Maya Angelou (1928-2014), et toujours je m'élève (2024)

Maya Angelou a été chanteuse, actrice, poète, essayiste et enfin professeure d’université, pourtant sans diplôme. Son cursus honorum, c’est sa vie telle qu’elle l’a menée.

Maya Angelou a grandi dans la petite ville de Stamps en Arkansas, dans le sud des États-Unis, le plus ségrégationniste. Pourtant, elle a parcouru le monde, de Broadway à Berlin, en passant par Accra, et son nom avec elle. C’est une des femmes africaines américaines les plus connues et les plus lues.

Reçue en grande pompe par le président Clinton, elle est devenue une des premières femmes noires médiatiques, avec les fans, les timbres et les Barbies à son effigie qui finiraient par avoir raison des aspérités de son caractère, s’il n'y avait son œuvre: la chronique de sa vie qu’elle a écrite, encouragée par James Baldwin, parce que la grande réussite de Maya Angelou est tout entière contenue dans la possibilité qu’elle s’est toujours donné de choisir sa route.

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Il arrive fréquemment qu'on me demande comment je suis devenue qui je suis. Comment née noire dans un pays de Blancs, pauvre dans une société où la richesse est admirée et recherchée à tout prix, femme dans un environnement où seuls de grands navires et quelques locomotives sont désignés favorablement par l'emploi du pronom féminin, comment suis-je devenue Maya Angelou? Maya Angelou, premières lignes de Lady B (titre original Mom & Me & Mom, Random House, 2013)

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Dans le premier volume de ses mémoires Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage (1969), une scène en particulier semble en contenir la matrice: ce jour de 1941, elle a douze ans, c’est la remise des prix. La petite Maya Angelou, sur son 31, fait partie du tableau d’honneur, elle goûte ce moment qui pourrait annoncer un changement, la sortie de cet immobilisme craintif, de l’attente perpétuelle des éventuelles descentes du Ku Klux Klan ou de leurs adeptes.

L’effervescence et l’excitation sont à leur comble dans les rues de Stamps: on salue les écoliers pour leur application. Ces bons résultats, loin d’être insignifiants, pourraient leurs ouvrir des portes inaccessibles à leurs parents avec l’espoir de devenir autre chose que les ramasseurs de coton qui peuplent Stamps. Un espoir bien vite douché à l’écoute du discours du Recteur, en tournée pour l’occasion, qui leur promet, comme seul horizon radieux, de nettoyer les maisons des autres, voire, pour les plus chanceux, de briller par leurs exploits sportifs.

Je trouve intéressant d'attribuer à la volonté de Dieu la vie la plus misérable, l'existence la plus pauvre, mais que, à mesure que les êtres humains deviennent plus riches, que leur niveau et leur style de vie commencent à s'élever, Dieu dégage sa responsabilité à une vitesse proportionnelle. Maya Angelou dans Je sais pourquoi l'oiseau chante en cage (titre original I Know Why the Caged Bird Sings, Ballantine Books, 1969. Réédition avril 2009)

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Cette scène centrale dit ce plafond de verre que Maya ébrèchera à petit* coups décisifs. Avec pudeur, elle raconte le racisme quotidien, l’inceste qu’elle subit et que la famille camoufle bien vite. Elle se raconte chanteuse, danseuse, mère célibataire et militante, épouse insatisfaite en quête, vite déçue, de son africanité, son adoration pour son frère aussi, sa relation passionnée et ambivalente à sa mère, ancienne prostituée et escroqueuse de talent, les hommes qu’elle a choisi de faire entrer dans sa vie et dans celle de son fils, les continents physiques, littéraires et musicaux qu’elle a parcouru sans faiblir.

C’est ça, Maya Angelou. Un mouvement perpétuel vers la suite de sa propre histoire, qu’elle exige palpitante. Mère à seize ans, elle gagne sa vie en chantant et en dansant. Forte de ce carnet d’adresses de scène, elle monte une revue pour soutenir le mouvement des droits civiques, puis elle s’engage, plus franchement, en dirigeant l’association de Martin Luther King.

Militer, oui, mais le panafricanisme des années 1950 interroge ses origines africaines. Elle épouse un leader anti-apartheid sud-africain et part vivre sur ce continent fantasmé. Bientôt délestée de ce mari qui prône surtout la liberté des hommes noirs, mais nettement moins celle des femmes de leur couleur, elle ne s’arrête pas malgré la déception. Elle devient journaliste, invente une nouvelle revue noire à Accra en 1972, Soul to soul, jusqu’à devenir la coqueluche des campus américains et des plateaux de télévision.

Chroniqueuse de sa propre vie, Maya Angelou a livré le récit inédit de la trajectoire d’une femme noire du XXe siècle, de la Grande Dépression des années 1920 à l’ère post-11 septembre. C’est surtout une trajectoire de l’émancipation, vécue sans attendre les progrès de la société américaine.

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Intervenantes

  • Audrey Célestine, maîtresse de conférences en sociologie politique
  • Sarah Fila Bakabadio, historienne spécialisée en études américaines et afro-américaines, maîtresse de conférences à l'université de Cergy-Pontoise
  • Nora Philippe, commissaire d'exposition, auteure et documentariste
  • Claudine Raynaud, professeure émérite d'études anglophone à Montpellier
  • Andrée-Anne Kekeh-Dika, maîtresse de conférences HDR, Université Paris 8

Lectures de textes: Léonie Simaga - Extraits des ouvrages de Maya Angelou (voir rubrique bibliographie)

Archive Ina : "L'Art de la vie, la vie est un Art !", le romancier américain Henry Miller au micro de Roger Palludin

3 min

Un documentaire d'Anaïs Kien, réalisé par Yvon Croizier. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Page web, Sylvia Favre.

Ci-dessous: Maya Angelou, Still I rise, dans l'ouvrage de poésie And Still I Rise (Random House, 1978. Réédition août 2001). Traduction Olivier Favier

Vous pouvez m’abattre de vos paroles,

Me découper avec vos yeux,

Me tuer de toute votre haine,

Mais comme l’air, je m’élève encore. Maya Angelou

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Bibliographie

Les mémoires de Maya Angelou, parus en plusieurs volumes. Éditions francophones:

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Vous pouvez me rabaisser pour l’Histoire
Avec vos mensonges amers et tordus,
Vous pouvez me traîner dans la boue
Mais comme la poussière, je m’élève encore,

Mon insolence vous met-elle en colère?
Pourquoi vous drapez-vous de tristesse
De me voir marcher comme si j’avais des puits
De pétrole pompant dans mon salon?

Comme de simples lunes et de simples soleils,
Avec la certitude des marées
Comme de simples espoirs jaillissants,
Je m’élève encore.

Voulez-vous me voir brisée?
La tête et les yeux baissés?
Les épaules tombantes comme des larmes.
Affaiblie par mes sanglots émus.

Est-ce mon dédain qui vous blesse?
Ne prenez-vous pas affreusem*nt mal
De me voir rire comme si j’avais des mines
d’or creusant dans mon jardin?

Vous pouvez m’abattre de vos paroles,
Me découper avec vos yeux,
Me tuer de toute votre haine,
Mais comme l’air, je m’élève encore.

Ma sensualité vous met-elle en colère?
Cela vous surprend-il vraiment
De me voir danser comme si j’avais des
Diamants, à la jointure de mes cuisses?

Hors des baraques des hontes de l’histoire
Je m’élève
Surgissant d’un passé enraciné de douleur
Je m’élève
Je suis un océan noir, bondissant et large,
Jaillissant et gonflant je porte la marée.
En laissant derrière moi des nuits de terreur et de peur
Je m’élève
Vers une aube merveilleusem*nt claire
Je m’élève
Apportant les présents que mes ancêtres m’ont donnés,
Je suis le rêve et l’espérance de l’esclave.
Je m’élève
Je m’élève
Je m’élève

Traduit par Olivier Favier. Merci à Véronique Servat pour m’avoir signalé ce poème. Extrait du recueil And still I rise (1978)

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Pour aller plus loin

En savoir plus : Maya Angelou : "La vie chérit ceux qui la vivent"

3 minutes de philosophie pour redevenir humain

3 min

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